Deux ans après « My name is my name », Pusha T a récidivé le 18 décembre avec son sophomore album qui répond au nom de « King Push - Darkest Before Dawn : The Prelude ». Comme son nom l'indique, ce n'est qu'un prélude à « King Push », un album qui fera office de suite et qui sortira en 2016. Ce qui explique la courte durée du projet, composé de 10 titres et seulement 33 minutes de musique.
Il y a un mois, Pusha T nous mettait l'eau à la bouche en nous balançant Untouchable. Un premier single produit par Timbaland, qui depuis le Movin Bass de Rozay et Jay-Z, n'avait plus signé une prod marquante. Le producteur sample la voix du regretté Notorious B.I.G sur le refrain. Ce «Untouchable, uncrushable / Blunted in a 600» est un passage issu d'un morceau de Pudgee Tha Phat Bastard nommé Think Big, plutôt méconnu du grand public, sur lequel Biggie avait donc délivré un couplet. Untouchable est un banger en puissance et le choix parfait pour annoncer un album.
Un album qui s'ouvre sur les premières notes de l'Intro qui rappellerait presque la B.O de Scarface. L'ancien membre des Clipse en profite pour rappeler au monde entier qu'il fait sans doute partie des lyricistes les plus sous-estimés de la planète rap. Son unique couplet est tranchant et comme sur son précédent album avec le morceau King Push, l'entrée en matière est marquante.
Ce n'est pas la seule similitude avec son opus précédent puisqu'une fois de plus il fait appel à The-Dream et son associé de longue date, Ab-Liva. Le premier délivre un nouveau refrain efficace sur M.F.T.R., comme il a pu le faire récemment sur le Money Dance de Rick Ross, pour un morceau un peu plus accrocheur que le 40 Acres qui les avait vu collaborer précédemment. Le second intervient sur le bondissant Got Em' Covered, produit également par Timbaland. Au total, l'ancien complice d'Aaliyah produit 3 titres, le dernier étant Retribution. Simple hasard ou clin d'oeil, c'est Kehlani qui s'invite au refrain. La chanteuse, qui fait partie des voix les plus prometteuses de la scène R'n'B, étant souvent décrite comme l'une de celles apte à reprendre le flambeau de la défunte artiste.
Au rayons des collaborations, Push s'en va chercher des vétérans. Tout d'abord, le devenu bien rare Beanie Sigel sur Keep Dealing, puis la grande Jill Scott sur Sunshine, la dernière piste de l'album.
Attardons-nous sur Keep Dealing. Définitivement un des morceaux les plus forts. Si Biggie a été samplé sur Untouchable, cette fois-ci Pusha T lui rend hommage inconsciemment. Oui, car ce morceau là, celui que l'on surnommait Frank White aurait pu l'écrire. Personne n'était aussi fort pour décrire le quotidien du dealer que Biggie. De nos jours, Pusha T en est sûrement le meilleur héritier.
Entre fiction et réalité, entre le studio et le coin de la rue, il nous conte un bon film mafieux des plus réalistes. On notera le bon passage de l'ex bras droit de Jigga qui pour l'occasion sonnerait presque comme le bon vieux Method Man de l'époque.
En tant que nouveau président de G.O.O.D Music, il était dur d'imaginer cet album sans une apparition de Kanye West. C'est chose faite sur M.P.A (l'acronyme de Money Pussy Alcohol) duquel l'égo le plus surdimensionné de l'industrie musicale compose le beat et se satisfait seulement d'un court passage. On ne vas pas se mentir, si Kanye et A$ap Rocky sont crédités en tant que featuring, ce n'est en réalité qu'une belle vitrine. Le premier se rassasiant avec un refrain relativement simpliste et le second se contentant d'en faire les choeurs. Au vu du casting (The-Dream s'y ajoutant), on peut être assez déçu du résultat.
Sur la tracklist, M.P.A. est précédé de Crutches,Crosses,Caskets, que l'on peut traduire par "Béquilles, Croix, Cercueils". Comme il le dit dans le refrain, " il ne voit que des victimes ". L'égotrip classique du rappeur qui blesse, effraie et assassine ses concurrents. L'instru est simpliste mais les basses qui entrecoupent la boucle par moment ne la rende que plus savoureuse. Push fait du Push. C'est menaçant, imagé, métaphoré, subtil...
Sur FIFA, il s'exerce sur une production de Q-Tip qui vaut tout de même l'écoute même si le titre n'est pas le plus marquant du projet.
Ce prélude est finalement un bon album. Pas une claque mais un bon album, très homogène, qui peut s'incruster sur bon nombre de playlists grâce à des partitions très efficaces. Il faut certainement le considérer comme une simple transition avant « King Push » qui devrait être une version plus aboutie de cette petite escale.
Pusha T fait définitivement partie de ces rappeurs, à l'image d'un Kendrick Lamar, capable de s'accaparer l'énergie et l'atmosphère du hip-hop d'une époque assez lointaine pour le réactualiser et le rendre moderne. Faire du neuf avec du vieux. S'accrocher à l'essence du rap tout en étant capable de coller aux exigences de la culture mainstream. Voilà son créneau.
Terrence, de son vrai nom, n'a pas vraiment changé, il est toujours le même. Un nostalgique qui veut refaire briller Timbaland, sortir Q-Tip et Beanie Sigel de leur terrier et faire chanter Jill Scott plutôt qu'une jolie minette qui chante aux Grammy Awards. Il aime toujours autant parler de drug-dealing, infliger des images glaciales, faire du name-dropping et des métaphores tel que « My breakdown game brought me 8 Mile fame/ Selling Eminem to him and 'em, White to the Blacks...». Pusha T a la verve d'un B.I.G ou d'un Jay-Z des meilleures années mais peut-être pas la même aura. Il débite comme un gars de Brooklyn né quelques états plus au sud.
Le bougre fait encore partie de l'élite et son prochain album, qui ne devrait donc pas tarder très longtemps, sera sûrement là pour le confirmer.
Le Top 5 : Untouchable / Keep Dealing / Crutches, Crosses, Caskets / Intro/ Retribution
Ma note : 14/20