Cher Kobe,
J'ai appris sans grand étonnement que tu allais mettre fin à ta carrière. Je m'y préparais. J'attendais juste que tu l'officialises. Mais malgré tout, l'annonce m'a quand même froissé le cœur. Cela veut sans doute dire que je ruminerais un regret éternel : ne t'avoir jamais vu jouer. En vrai. Au Staples Center, le lieu de tous tes exploits. Tant pis, je me contenterais de ton maillot que j'avais acheté avec mes pauvres économies de l'époque.
Je repense au nombre de fois où, adolescent idolâtre que j'étais, j'ai essayé de trouver les arguments pour prouver à mes potes que tu étais meilleur que Michael Jordan. Je repense au nombre de fois où j'ai essayé de reproduire tes fadeaways à l'entraînement. En vain. Je repense au nombre de nuits blanches endurées pour te regarder planter 40 points dans des matchs sans importance. Puis rattraper mes heures de sommeil sur ma table de cours. Oui, parce qu'ici, en France, tes matchs passent durant la nuit.
Mais tout ça m'était essentiel.
Parce que tu es Kobe. Kobe Bryant. Mon basketteur fétiche. J'avais 11 ans quand ton jeu m'a ébloui pour la première fois. J'en ai 23 aujourd'hui. À mon âge, tu gagnais ton troisième titre NBA. C'est assez étrange de dire ça. Enfin, pas tant que ça en fait... Toi qui est devenu professionnel à 17 ans, avant de battre tous les records de précocité.
Je me souviens encore de ce 22 janvier 2006. Ou plutôt le 23, à mon réveil. Lorsque, comme lors de chaque match manqué (dur pour un collégien de veiller trop régulièrement), je me suis rendu sur le net pour me tenir au courant du dernier résultat des Lakers... Erreur sur la feuille de match... du moins c'est ce que je pensais. Non, en réalité tu venais réellement d'inscrire 81 points dans un match. 81 points... Excuse moi, j'ai encore du mal à réaliser. C'était grandiose. Grandiose.
Mais pas plus que le Madison Square Garden. Où tu as livré à mes yeux ton meilleur match en distillant 61 points à la face des Knicks. Jamais personne avait fait preuve d'autant d'insolence dans cette antre qu'est la Mecque du basket. Tu leur as tout fait ce jour là. Même Spike Lee a dû s'incliner.
Il a dû te détester. Comme tu m'as fait détester les Celtics pendant tant d'années. Je les haïssais. Le titre de 2010 reste un de mes meilleurs souvenirs de fan. Agité devant ma télé, essayant de ne pas réveiller mon père.
Le 13 avril prochain, tu joueras donc le dernier match de ta carrière. Bien malheureusement tu n'auras même pas l'opportunité de goûter à une dernière campagne de playoffs. Les playoffs... Le moment où l'humain laissait place à la bête. Le moment où l'on pouvait lire la détermination dans tes yeux à chaque seconde où la caméra se braquait sur ton visage. Le moment où tu devenais un tueur à gage qui assassinait de sang-froid tous ses adversaires avec une énorme bastos orange. Comme ce jour où tu a inscris ce fameux shoot à l'ultime seconde sur la tête de Boris Diaw et de ce bon vieux Raja Bell, pour permettre aux Lakers de mener leur série 3-1 contre la terrible armada des Phoenix Suns. On finira éliminés au 1er tour. Mais peu importe, tu étais mon héros.
Puis il y a cette blessure en 2013. Rupture du talon d'achille au terme d'un match ou tu fus une fois de plus le leader que tu as toujours été. Suivi de cette interview, où larmes aux yeux, tu as promis de te battre pour revenir... Tu as tenu parole. Comme toujours. Mais la suite fut très compliquée. Blessures sur blessures, contre-performances après contre-performances. J'ai appris à être en colère contre toi. Jusqu'à aujourd'hui. Je me rends compte qu'une page se tourne et que l'exigence que tu t'imposais à toi-même se retranscrivait chez moi et beaucoup de tes admirateurs. Parfois à tort. Tous autant frustrés que toi de voir comment les choses ont tourné et à l'idée de savoir qu'elles ne finiront pas comme dans un conte de fée.
Quoique... Peut-être que tu auras l'opportunité de jouer les Jeux Olympiques de Rio cet été. Ce serait une formidable manière de boucler la boucle avec une médaille. Mais peu importe. Rien ne pourra noircir les pages de lumière et de bonheur que tu as écrites à l'aide de ton talent immense et ton cœur de champion.
C'est la fin d'un chapitre, certes. Mais l'histoire n'a pas dit son dernier mot.
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